L’histoire

Ludovic (1873-1942)

Le pionnier

A cette époque et depuis le moyen-âge, les vignes en Champagne étaient plantées en foule, c’est-à-dire sans ordre apparent et en très grande densité (4 ou 5 pieds au mètre carré). Le travail était obligatoirement manuel et colossal. C’est vers l’âge de 20 ans que Ludovic BRUGNON, né à Crugny, arrive pour travailler à Ecueil, son hoyau sous le bras comme aime s’en souvenir son petit-fils Marc, aujourd’hui âgée de 89 ans et qui me raconte l’histoire. Ludovic s’installe à Ecueil, salarié à la tâche, le travail ne manquant pas. Il se marie en 1898 et petit à petit achète des vignes. Ludovic et Henriette auront deux fils, Maurice et Marcel, mais seul l’un d’eux choisira de devenir vigneron. Les champenois entendent parler d’un fléau qui rôde et gangrène les vignobles du sud de la France par la racine mais ils n’y croient pas encore tout à fait. A l’année du mariage de Ludovic, correspond la création d’une structure commune, l’Association Viticole Champenoise (AVC) : les champenois vont lutter ensemble contre le phylloxera.

Maurice (1900-1989)

Le fondateur de la maison

Maurice va donc naitre et grandir durant la pire crise que la Champagne ait jamais connue : un puceron presqu’invisible ravage les vignes. La première guerre mondiale va réduire à néant les chances des vignerons de vaincre le parasite. Il faudra tout arracher. Mais on va apprendre à greffer la vigne sur des racines résistantes et Maurice, qui a 18 ans à la fin de la guerre, est capable de faire à lui seul 4000 greffes en « fente anglaise » , qui seront mises en pépinière pour replantation (avec une réussite d’environ 50%).
Il est aussi un jeune homme intelligent et très rigoureux. Il a le sens des affaires. Le peu de vignes que la famille possède à cette époque (22 ares) ne lui permet pas de vivre. Aussi il va proposer ses services à des banques et autres assureurs pour collecter ou distribuer des fonds, en monnaie sonnante et trébuchante, aux agriculteurs des cantons environnants. Et à vélo. A la mort de son père en 1942, grâce à ses économies et son courage, et puisque son jeune frère préférera la ville et le monde, il va reprendre la ferme, et bientôt non seulement cultiver sa vigne, mais faire du vin.

Marc (1933-2023)

Un homme engagé pour lA champagne

La guerre gronde à nouveau. Mais pour Marc alors âgé de 7 ans, la débâcle et l’exode ne dureront que le temps de l’été 1940. Dès le mois d’aout, la famille pourra rentrer à Ecueil au volant de la SIMCA 8 et retrouver assis au seuil de la cour de la ferme où nous vivons encore aujourd’hui, les grands parents bien surpris de les voir arriver ! Après la guerre, Marc se révèle bon élève. Il aurait aimé continuer à étudier, mais Maurice ne l’entend pas de cette oreille. Qu’à cela ne tienne, Marc ne restera pas dans son coin. A 24 ans, en 1957, il reprend l’exploitation, et s’affaire à agrandir le vignoble qui passera de 1Ha 40 à 4 Ha entre 1945 et 1960.C’est aussi le début de la grande aventure de la coopérative d’Ecueil, créée en même temps que la marque M. BRUGNON en 1947 : les vignerons font face ensemble et s’organisent. Ensemble, on est plus fort, plus longtemps, c’est la devise de Marc, et deviendra celle de son fils Alain. Marc présidera le Syndicat Général des Vignerons de Champagne de 1978 à 1994, et co-présidera de fait durant la même période le Comité Interprofessionnel des vins de champagne, et n’aura qu’une idée en tête : tirer la Champagne et la qualité de ses vins vers le haut. Il sera vice-président de l’INAO de 1980 à 1996 et permettra de réviser le cahier des charges de l’Appellation. Quelques exemples importants des résultats obtenus à cette époque : – le rendement au pressurage va baisser pour plus de qualité (on va devoir presser 160Kg de raisin au lieu de 150 pour obtenir 100L de jus) – la mise en bouteille devra se faire obligatoirement après le 1er janvier suivant les vendanges -le vieillissement minimum passera de 12 à 15 mois. – Les centres de pressurage devront faire l’objet d’un agrément qualitatif.

Né pendant les vendanges de 1933, il aurait eu 90 ans aux vendanges 2023. Il s’en est allé discrètement juste avant la récolte.

Alain (1961)

Un vigneron passionné et généreux

Alain grandit avec ses trois frère et sœurs à Ecueil, dans une maison flambant neuve construite sur le site de la ferme, et que nous habitons toujours en famille. Les filles s’éloignent rapidement de l’exploitation et s’installent dans d’autres régions. Les deux frères étudient la vigne et le vin, et c’est Alain qui s’installera sur le site familial à Ecueil, après avoir assouvi ses envies de voyages. Il succèdera à son père aux commandes de la Maison en 1986 et perpétuera les traditions aussi bien dans le vignoble, la vinification, que dans la philosophie du « construire ensemble pour demain ».
La coopération est restée le point philosophique et central des Brugnon de père en fils. Alain, aujourd’hui sur le point de passer le relais, aura donné son temps sans compter pour cette force collective.

ET demain

L’avenir se dessine doucement

Les quatre enfants d’Alain avancent respectivement dans leurs formations et leurs choix de vie. Jules-Aubry, né en 1997 a beaucoup participé aux travaux de la maison depuis quelques années, et envisage de reprendre l’exploitation après son père qui se prépare à passer le relai. Cette transmission s’envisage comme un accompagnement progressif et une porte ouverte à d’autres visions, un socle solide basé sur des traditions fortes mais permettant une expression nouvelle et libre.